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Par Angelo0071 le 24 Août 2008 à 02:29
Aux origines de leugénisme...
François-Xavier Ajavon
Doctorant en philosophie, université Paris XII-CréteilLeugénisme est une théorie, et une pratique, visant à améliorer les caractères héréditaires de lhumanité, par une sélection des meilleurs reproducteurs, par la discrimination des plus faibles, ou même par lexécution de nouveaux-nés malformés. Mais quelle origine donner à ces thématiques ?
La logique eugénique damélioration de lhumain repose certainement sur une immémoriale tendance de domestication du vivant et donc de domination de lhomme sur son environnement. Une multitude de textes antiques, relatifs à lamélioration des races de chevaux ou de chiens, existent chez Homère, Platon ou encore chez Varon et Sénèque. La majorité des discours eugéniques sont introduits par une analogie entre la domestication des troupeaux animaux et le biocontrôle des humains par les politiques et les médecins. En effet, les auteurs, de Platon à Galton, et jusquau XXe siècle, se demandent pourquoi nous appliquons nos connaissances sur lhérédité aux bêtes et non aux hommes eux-mêmes.
On trouve ça et là certaines traces de doctrines eugéniques dans des uvres poétiques grecques : par exemple, le poète Théognis de Mégare , au VIIe siècle avant JC nhésitait pas à blâmer les murs libérales de la démocratie en ces termes : « largent abâtardit la race »... entendons, les mariages dargent ne tiennent pas compte de la qualité des partenaires ; mais les références les plus abondantes à ce questionnement, se retrouvent dans des textes médicaux, philosophiques et politiques.
La sage-femme : une figure centrale
Dans cette thématique, limage de la sage-femme est centrale : personnage complexe aux multiples responsabilités socio-médicales dans la gestion de la reproduction humaine, allant du conseil aux partenaires amoureux dans les modalités de leur union, jusquà laccompagnement de la parturiente en « travail », en passant par le choix - parmi les nouveaux-nés - de « ceux qui valent la peine quon les élève » [1]. La sage-femme est une figure assez importante dans limaginaire grec pour que Platon fasse de Socrate le fils dune accoucheuse, lui-même « accoucheur didées ». Socrate ira même jusquà faire lanalogie entre processus de pensée maïeutique et infanticide sélectif dans le dialogue Théétète, conseillant à son interlocuteur de « tuer » dès la naissance certaines idées inaptes à la vérité.
Dans le contexte médical de la Grèce ancienne, se développe aussi une fantasmatique du « monstre », figure anormale, pathologique et source de superstitions dans la cité. Aristote le considère comme paraphysis (contre-nature) et sinterroge dans plusieurs de ses textes scientifiques sur la transmission héréditaire des tares et les manières de les éviter.
Le discours platonicien relatif à leugénisme et au biocontrôle prend plusieurs formes dans La République et les Lois. Dabord, leugénisme est a-priori, cest-à-dire quil consiste chez Platon en une organisation méticuleuse de la reproduction humaine, allant de la mutualisation des génitrices, à lorganisation de jeux truqués visant à donner aux individus les plus méritants des occasions de se reproduire et de transmettre ainsi leurs bons gènes. La doctrine eugénique de Platon en passe aussi par des phases a-posteriori, conseillant notamment de cacher dans un lieu « secret et dérobé aux regards » (euphémisme de linfanticide...) les enfants nés avec une difformité...
Au final, il ne se dégage pas de système cohérent de leugénisme en Grèce, mais un certain nombre de figures marquantes, récurrentes, qui accompagneront la notion sur toute son histoire, jusquà nous : la figure de léleveur, domestiquant lhomme comme il domine les bêtes ; la figure de la sage-femme ou du médecin, sachant séparer le bon grain humain de livraie ; le poète, forgeur de mythologies héroïques, où lhomme sinstalle dans des échelles hiérarchiques structurées ; et la figure du législateur, dirigeant la reproduction de lhomme par leffet de lois coercitives, et allant jusquà développer une véritable ingénierie de lhumain.
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