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    L'eugensime et Hitler

    La constitution et la forme de ce nouvel Etat restent secondaires aux yeux de Hitler. Ainsi l’ancienne constitution de la République de Weimar reste en place, mais est vidée de tous son sens et ne sera aucunement respectée. Parti et Etat sont des outils utilisés par le Führer pour accomplir ses objectifs. L’Etat n’est plus le centre de la vie de la nation : le gouvernement n’est plus au service de l’Etat constitutionnel : c’est l’inverse qui est vrai.

    « La question de la forme extérieure de cet Etat, donc son couronnement, n’a pas d’importance fondamentale, elle n’est conditionnée que par des questions d’opportunité pratique ».

     

     

     

    Mein Kampf - Adolf Hitler

    La politique intérieure est dictée par les principes idéologiques de la pureté de la race en vue de son affirmation sur le plan international.

    « La politique intérieure doit assurer les forces internes d’un peuple en vue de son affirmation en politique étrangère »

    Zweites Buch, 1928.

    La politique économique, agraire et industrielle, est commandée par le principe idéologique de l’autarcie : elle débouche sur un agrarisme primitif et romantique (autosuffisance alimentaire) et une politique économique visant à l’indépendance industrielle : c’est un capitalisme dirigé dont l’objectif premier est au service de la politique d’expansion du Reich, et donc orientée principalement sur les industries d’armements. C’est le principe « Butter oder Kanonen », « Du beurre ou des canons »...

     

     

    La politique sociale est régie par le principe de la popularité. Hitler base en effet son autorité absolue (et donc sa politique d’expansion et de purification raciale) sur le principe du pouvoir et sur celui de sa popularité : sa politique sociale vise donc à devenir, être et rester populaire pour faire « passer » sa politique d’expansion guerrière. Il y réussira remarquablement jusqu’aux derniers jours du régime. Son thème central vise à favoriser le « relèvement national » qui permette de souder indissolublement le « Volk » pour préparer la conquête du « Lebensraum » et éliminer l’anti-race Juive. Tous les domaines de la vie sociale doivent servir ces objectifs, et il faut favoriser les éléments les plus importants du « Volk » : les paysans, les ouvriers, la jeunesse, la famille, « réservoir » pour la « préparation technique » du combat et réservoir des futurs bataillons de combat.

    « Le premier fondement de l’autorité, c’est toujours la popularité. Pourtant, une autorité qui ne repose que sur ce fondement est encore extrêmement faible, incertaine et vacillante. Tout détenteur d’une autorité reposant purement et simplement sur la popularité doit, de ce fait, tendre à améliorer la base de cette autorité et à l’assurer en constituant un pouvoir. C’est donc dans le pouvoir, dans la puissance, que nous voyons le second fondement de toute autorité. Elle est déjà nettement plus stable, plus sûre, mais pas toujours plus vigoureuse que la première. Si la popularité et le pouvoir s’unissent, et peuvent subsister ainsi un certain temps, alors il peut naître une autorité encore plus solidement fondée, l’autorité de la tradition. Si enfin popularité, force et tradition s’unissent, cette autorité peut-être considérée comme inébranlable. »

    Mein Kampf - Adolf Hitler

    La politique raciale se base sur l’élément clé qu’est le maintien absolu de la pureté de la race : il s’organise autour de trois axes principaux :

    • une politique du mariage à l’intérieur de la race : mariage et maternité n’ont pas d’autre but que de garantir la pureté de la race. Il faut donc absolument lutter contre toute forme de métissage et interdire absolument les mariages entre allemands et autres races (Juifs, Noirs...)
      « L'Etat populaire doit instaurer la race au centre de la vie et prendre soin de la garder pure... veiller à ce que seuls les individus bien portants aient des enfants. Car la pire faute est d'en mettre au monde lorsqu'on est malade ou malsain ; rien n'est alors plus honorable que de s'en abstenir. De même, il faut tenir pour répréhensible de priver la nation d'enfants bien portants. C'est là que l'Etat doit se comporter en protecteur d'un avenir millénaire, devant lequel les désirs et l'égoïsme sont insignifiants et n'ont qu'à s'incliner... Un Etat populaire doit, par conséquent, ne pas tolérer que le mariage reste un perpétuel outrage à la race, mais au contraire le consacrer comme une institution appelée à produire des êtres faits à l'image du Seigneur, et non pas des monstres, mi-hommes, mi-singes. »
      Mein Kampf - Adolf Hitler
    • une politique d’épuration et d’assainissement de la race de ses éléments viciés: éléments viciés principalement par le mélange avec d’autres races : Juifs, communistes, sociaux-démocrates, a sociaux...
      « Avant de vaincre les ennemis du dehors, il faut avoir exterminé l'ennemi du dedans ; sinon, malheur au peuple dont la victoire ne récompense pas, dès le premier jour, les efforts. Il suffit que l'ombre d'une défaite passe sur le peuple qui a gardé dans son sein des éléments ennemis pour que sa force de résistance se trouve brisée, et que l'adversaire du dehors l'emporte définitivement. »
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      Mein Kampf - Adolf Hitler
    • une politique d’élimination de ses éléments improductifs, anormaux, dictée donc par l’eugénisme. Hitler fera tout pour réaliser « ce bien suprême : une race obtenue selon les règles de l'eugénisme » (Mein Kampf). Il faut entre autre isoler les syphilitiques, les alcooliques, les criminels et avoir recours à la stérilisation des impurs raciaux et des éléments nocifs et potentiellement dangereux... ainsi que tous ceux dont « la vie est indigne d’être vécue » : les « a-sociaux », malades mentaux, aliénés…
      « La préservation de la nation est plus importante que la préservation de ses infortunés. »
      („A. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen“, 1905-1924, édité par E. Jäckel et A. Kuhn, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1980, p. 1025ss).

     

     

     

    L'EUGENISME, BASE DE L'HYGIENE RACIALE DU IIIe REICH

     

    Les liens entre la volonté nazie, de purifier la population allemande, d'appliquer de manière obsessionnelle cette hygiène raciale et génétique (condition sine qua non de la supériorité raciale voulue par Hitler et ses sbires) et les théories de l'eugénisme édictées par Galton au milieu des années 1860 sont plus qu'évidents. Galton, statisticien anglais était le cousin germain de Charles Darwin - Ce dernier ne reconnaîtra jamais l'intérêt scientifique de la théorie de l'eugénisme la considérant comme un ramassis d'idioties sans valeur. La position de Darwin sera d'ailleurs explicitée par un courrier signé de sa main en 1871. Rappelons dans un premier temps ce que le terme d'eugénisme signifie. Pour cela, consultons une source française, contemporaine de la montée en puissance des théories eugéniques en Allemagne, mais aussi dans le monde entier : l'Encyclopédie Larousse du XXe siècle, Volume 3 (de E à H) - Editions Larousse, Paris 1930 - Je cite :

    "Eugénique n. f. ou Eugénisme n. m. (du grec eu, bien et gennân, engendrer.)

     

     

    Biol. Science nouvelle qui a pour but l'étude théorique et pratique de tous les moyens capables de protéger, d'accroître et de perfectionner les éléments les plus robustes et les mieux doués des races humaines et plus spécialement de la race blanche (Galton).

    ENCYCL. A la suite de nombreuses recherches sur l'hérédité familiale, F.Galton reconnut le danger que la libre multiplication des individus tarés faisait courir à la race blanche, qu'elle menaçait d'une véritable déchéance. Dans les pays anglo-saxons et germaniques, beaucoup moins dans les pays latins, ce danger fut reconnu par un certain nombre de savants, qui en juillet 1912, se réunirent à Londres en congrès pour fixer le programme et les moyens d'action de la nouvelle science eugénique.

    Dans cette science, il y a à considérer la théorie et la pratique. Le fait certain est que, dans tous les pays civilisés, des efforts énormes sont dépensés pour maintenir l'existence des individus les plus profondément tarés : Alcooliques, tuberculeux, syphilitiques, névropathes, épileptiques, fous et criminels, dont la descendance est elle-même presque toujours atteinte, de telle sorte que le nombre des sujets incapables de remplir convenablement leur tâche familiale et sociale ne fait que croître, ainsi qu'en témoigne la diminution progressive du nombre d'hommes reconnus propres au service militaire actif. Ce fait est la conséquence de la loi de Delbeuf, qui a établi que tout caractère nouveau - et la tare héréditaire en est un - tend à se retrouver chez un nombre croissant d'individus ; il est aussi la conséquence de la loi de Galton, qui veut que s'établisse toujours une moyenne entre les bons et les mauvais, moyenne qui baisse d'autant plus que les bons deviennent moins nombreux. Par suite, la sauvegarde apportée des éléments inférieurs nuit aux éléments supérieurs, c'est à dire de l'élite, qui, seule, par ses qualités et son nombre, fait la force et la grandeur des nations. […] Pour parer à ce danger, deux moyens sont à notre disposition : d'une part éliminer les indésirables ; de l'autre conserver et perfectionner les éléments sains et robustes."

    Le ton de cet article ne laisse guère planer de doutes sur la partialité de son auteur...

     

    UNE DOCTRINE MONDIALE

    Dans l'Europe des années 20 puis 30, en France, comme en Allemagne ou aux USA, la théorie de l'eugénisme est partiellement reconnue par le monde médical. Des travaux universitaires sont édités, recommandant la stérilisation des "éléments indésirables" susceptibles de polluer les "éléments sains". L'on prône la pureté héréditaire et l'on hésite pas à suggérer de pratiquer l'euthanasie sur les "vies inutiles à la vie". Pour les adeptes de l'eugénisme, la loi naturelle doit aussi s'appliquer à l'Homme. Les faibles, les médiocres, doivent disparaître, au risque s'ils survivent d'induire un risque de dégénérescence. Si la Loi de la nature ne peut s'appliquer compte tenu des protections qu'une société apporte aux plus faibles, alors l'on doit mettre en œuvre une sélection artificielle et institutionnalisée afin de "traiter les cas" et de réduire les risques pour cette même société de se voir affaiblie par les éléments médiocres, les dysgéniques ou biologiquement indésirables.

    Alfred Plötz, psychiatre allemand, ami et associé du docteur en psychiatrie Ernst Rüdin écrivait déjà en 1895 :"S'il arrivait que malgré cela le nouveau né fût un enfant faible et d'espèce médiocre, une mort douce lui sera procurée par le conseil médical, qui décide des papiers d'identité des citoyens de la société, disons avec une légère dose de morphine." Karl Pearson, théoricien galtonien, affirme de son côté qu'il est nécessaire d'opter pour "une modification de la fertilité relative des bonnes et des mauvaises sources".

    Mais l'eugénisme est bel et bien un mouvement mondial : ainsi aux USA dès 1907, la communauté médicale procéde à des stérilisations rendues légales par le congrès. 24, puis 28 états adoptent des lois autorisant la stérilisation des "criminels et des idiots". En 1924, une coalition entre d'une part des médecins eugénistes et d'autre part de puissants hommes d'affaires, dont le milliardaire Rockfeller, pousse à l'adoption du "Johnson Act". Le but ? limiter l'immigration aux USA d'hommes et de femmes d'Europe de l'Est ou du bassin méditerranéen, considérés comme étant inférieurs et pouvant potentiellement polluer "The Pure American Bloodstream" ! Un bureau d'analyse eugénique ("The Eugenics Record Office") est ouvert à Cold Spring Harbour, New-York. Dirigé par Charles B. Davenport (1866-1944), il devait définir les profils génétiques des nouveaux arrivants et candidats à la nationalité américaine. En 1928 la Suisse suivra. Tous les pays scandinaves adopteront des lois identiques en 1934-35. 63.000 personnes seront ainsi stérilisées en Suède jusqu'en 1975, 40.000 en Norvège, 54.000 en Finlande.

     

    DE LA THEORIE A LA PRATIQUE...

    Mais revenons en Allemagne... La communauté scientifique allemande approuve pour une partie d'entre elle ce concept qui va encore plus loin que la théorie de l'évolution imaginée par Darwin et qui, aux yeux de certains apporte enfin une réponse au problème de l'évolution de l'Homme. Avant, et surtout après l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933, les grandes universités comme celles de Berlin, de Leipzig, de Fribourg ou de Munich dispensent des cours sur l'évolution de la race humaine, la pureté héréditaire, la supériorité raciale obtenue par l'application de l'eugénisme. Dans les amphithéâtres, les futurs cadres, constitutifs de l'élite du IIIe Reich sont attentifs et retrouvent dans les discours tenus et les théories exposées, les positions idéologiques défendues par leur Führer, Adolf Hitler. Le Reichkanzler n'a t'il pas lu des ouvrages fondamentaux sur la question, dont "Mise en œuvre de la destruction des vies dépourvues de valeurs" écrit par le psychiatre Alfred Hoche et le juriste Karl Binding (1920) ou encore, "Les Principes de l'hérédité humaine et de l'hygiène raciale" (1921) rédigé par Bauer, Fischer et Lenz.

    Le premier ouvrage, "Mise en œuvre de la destruction des vies dépourvues de valeurs" est à l'origine d'une polémique entre les instances académiques et ses auteurs. Hoche et Binding y affirme au nom de la dignité humaine (sic) que "un médecin doit avoir le droit d'utiliser l'euthanasie sur toutes personne inconsciente et sans conséquences légales" ou bien que "Il existe des individus qui sont sans aucune valeur pour la société. Parmi ceux-ci on peut classer les pensionnaires des "établissements pour idiots" (NDLW : Asiles psychiatriques) qui sont non seulement sans valeur mais d'une valeur absolument négative". On y lit aussi que "les idiots incurables qui ne peuvent donner leur accord ni pour survivre ni pour être tués devraient être tués"... Pour Hitler les choses sont désormais claires. Appliquer ces préceptes lui permettra de mettre en œuvre sa politique d'hygiène raciale. La guerre servira de paravent.

    J. Mengele, "l'ange de la mort", tristement célèbre médecin SS et "sélecteur" du camp d'extermination d'Auschwitz, sera lui aussi au nombre de ces auditeurs universitaires. Passionné par les perspectives raciales et héréditaires qu'augurent la science eugénique, il rejoindra le biologiste Ernst Heckel, pour pratiquer avec lui des expériences sur la pureté de la race aryenne et travailler sur la question de l'hérédité chez les jumeaux.

    La société allemande, évoluée, créatrice, cultivée, productrice, à l'origine de dizaines de mouvements artistiques, a fait sienne l'idée de la pureté raciale. Le Grand Reich Allemand est pris d'une sorte de folie médicale, acceptée par la majeure partie de la population allemande. Les docteurs étudient les cranes de leurs patients, procèdent à des mesures et des analyses, cherchant jusque dans les traits de leurs visages à déceler les traces de cette fameuse pureté raciale. La science, toute puissante, élément clef des mythes de l'invincibilité nazie et de la supériorité aryenne, est littéralement élevée au rang de dogme.

    Hitler à la Chancellerie, Führer d'un Reich de mille ans, les choses s'accélèrent avec la nomination d'Ernst Rüdin au poste de responsable de la société de l'hygiène raciale. Les lois se succèdent de 1933 à 1935, pour aboutir aux textes sur "l'Honneur et le Sang Allemand", les fameuses lois de Nuremberg. L'opinion publique allemande ne bouge pas comme ensorcelée par le dictateur. En 1936, un docteur en médecine allemand, Helmut Unger, publie une nouvelle relatant l'euthanasie d'une femme pratiquée par son mari, un médecin imaginaire. Le livre est un succès commercial. Mieux ! les services de propagande du IIIe Reich s'en empare et en font un film qui "enfonce encore un peu plus le clou" et rend légitime les campagnes de stérilisation menées au nom de l'eugénisme et de la pureté raciale.

    En 1938, Adolf Hitler accorde à un couple d'allemands le droit de procéder à l'euthanasie de leur nourrisson atteint d'un mal incurable. Le précédent vient de naître. Un comité "de la mort miséricordieuse" est mis sur pied. Le nazi et docteur en médecine Hermann Pfannmuller, directeur de l'hôpital de Eglfing Haar, teste confidentiellement la possibilité de tuer des enfants aliénés en les privant de nourriture ("Hungerhauser"). Les nazis cherchent en fait un moyen efficace de purifier le pays de ses aryens déficients. En 1939, l'Allemagne nazie s'engage dans la voie de l'euthanasie à grande échelle, par le gaz, les injections mortelles et les privations, en mettant en route l'aktion T4, prémisse à bien des égards de la Solution Finale qui sera réservée aux juifs.

     

     





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