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Par Angelo0071 le 11 Juillet 2008 à 11:00
Le Bilderberg, lobby le plus puissant du monde ?
Seriez- vous choqué si lon vous disait quun groupe ayant pour membres des PDG des plus grandes multinationales du monde, comme David Rockefeller (fondateur de la Trilatérale, et administrateur de la banque JP Morgan entre autres), danciens chefs dEtat et de gouvernement comme Bush Ier, Clinton, Thatcher, de hauts fonctionnaires comme James Wofensohn (ancien président de la Banque mondiale), Paul Wolfowitz (ex-directeur de la réserve fédérale américaine, ex-président de la Banque mondiale, ex-secrétaire de Bush à la Défense...), Richard Perle (une des éminences grises des néo-cons américains, grand promoteur de linvasion de lIrak) ou Henri Kissinger, prend des décisions qui, bien que secrètes, sont appliquées par les institutions internationales et les Etats ?
Le Bilderberg est un lobbie mis sur pied en 1954 aux Pays-Bas, à un moment clé de la construction européenne : juste après la Communauté européenne du charbon et de lacier (CECA) en 1953, qui devait créer un marché ouvert pour le charbon et lacier, on abandonne lidée dune Communauté européenne de défense (CED). 1954, cest juste avant le traité de Rome qui renforce la « coopération » entre les Etats membres, et vise à créer un vaste marché commun dans lequel les marchandises circuleraient librement, tout cela chapeauté par une très démocratique Commission européenne.
En 1954, donc, le prince Bernhard des Pays-Bas, né allemand, ancien nazi et ancien membre des SS, et David Rockefeller, créent à lhôtel Bilderberg une sorte de club privé, afin de discuter des grands enjeux économiques et stratégiques, et visant à terme une gouvernance mondiale avec lOTAN comme commandement. Il réunit chaque année entre 100 et 150 participants, membres ou invités, qui débattent à huis clos dun ordre du jour hautement stratégique.
En 2007, la réunion se tenait à Istanbul du 31 mai au 3 juin. Ce nest pas un hasard, car les Etats-Unis poussent lEurope à sélargir toujours plus à lEst, et maintenant à intégrer la Turquie. Parmi les Français, étaient présents le rédacteur en chef du Figaro, les PDG dEADS, AXA, Lafarge, Bernard Kouchner, Jean-Claude Trichet (gouverneur de la BCE), Thierry de Montbrial (président de lIFRI, un think tank français de politique internationale), mais aussi le ministre grec de lEconomie et des Finances, le Premier ministre des Pays-Bas, José Manuel Barroso, la reine Béatrix des Pays-Bas, Etienne Davignon (président du groupe de Bilderberg, président et fondateur de lEuropean Round Table, un lobbie des multinationales européennes auprès de la Commission, ex-vice-président de la Commission, membre de la Trilatérale, membre du directoire du Centre for European Policy Studies, ancien ministre belge des Affaires étrangères, président de lAssociation pour lunion monétaire en Europe, premier président de lAgence internationale de lénergie, vice-président de Suez-Tractebel, administrateur de la banque Fortis, dAccor, de Fiat, Suez, BASF, Solvay, entre autres...), le président de la FED à New York, le président du National Bureau of Economic Research, le PDG du Washington Post ; Neelie Kroes (Commissaire européenne au marché intérieur et à la concurrence), Jaap de Hoop Scheffer (Secretaire général de lOTAN), Richard N. Haass president du Council on Foreign Relations (CFR), le PDG de Royal Dutch Shell, le directeur de la banque Lazard, le ministre des finances italien, Richard N. Perle membre de lAmerican Enterprise Institute for Public Policy Research (think tank américain), David Rockefeller grand banquier, co-fondateur du groupe de Bilderberg, ex-président du Council on Foreign Relations (CFR), président et co-fondateur de la Commission Trilatérale, James D. Wolfensohn ex-président de la Banque mondiale, et des journalistes du Financial Times, de lEconomist, du Wall Street Journal ...
La liste des personnalités membres et invitées depuis 1954 est longue, mais concerne toujours les mêmes milieux. A ces réunions dune durée de trois ou quatre jours, on retrouve le gratin politique national et international occidental, le gratin des multinationales, et des journalistes de tendance libérale. Une à deux semaines au plus tard après lesdites réunions, qui se déroulent dans le plus grand secret et protégées des journalistes, cest le G8 qui souvre un peu plus loin, attirant cette fois la plupart des médias de la planète. Aux réunions du Bilderberg, il ny a pas de conférence de presse, pas de journalistes, et les invités ne peuvent pas prendre de notes... En 2003, la réunion du groupe Bilderberg sest tenue à Versailles (la château a par ailleurs été fermé au public pendant une semaine) en même temps que le G8 qui se déroulait à Paris. Cest au G8 que sont concrétisées une partie des décisions prises par les Bilderbergers, dont certains sont présents également au G8.
On devient membre par cooptation, et il y a différents niveaux dadhésion. Seuls la dizaine de membres du comité consultatif connaît lensemble de la stratégie du groupe, et ses orientations. La plupart des membres ne connaissent quune petite partie des visées du groupe. Certaines décisions du groupe sont aujourdhui connues : en 1999 les débats ont porté sur la globalisation et létablissement dorganes supranationaux pour régir léconomie de la planète ; en 2000 il sagissait deffacer les identités nationales en Europe, en 2001 cela portait sur les projets militaires américains et lélargissement de lOTAN ; en 2005 on y a parlé de gouvernance mondiale, du renforcement de lOTAN, de lélargissement de lEurope, de la création dune taxe mondiale sur le pétrole, prélevée par lONU et payée par lensemble des citoyens, ainsi que de limportance dempêcher lIran de devenir la puissance du Moyen-Orient. Cette année, on a parlé du problème de lénergie, de lIran, de lentrée rapide de la Turquie dans lEurope...
Les membres du groupe Bilderberg sont souvent également connectés avec dautres groupes de pression, comme la fameuse Trilatérale, qui a défrayé la chronique dans les années 70, le Concil on Foreign Relations (CFR), ou encore la Round Table. La Trilatérale est créée en 1973, lannée où lOPEP augmente le prix du pétrole de 400 %, et juste après la crise monétaire qui a amené la fin du système de Bretton Woods (parité des monnaies par rapport au dollar, et du dollar par rapport à lor). Ce sont des membres du groupe Bilderberg et du CFR qui en ont linitiative. Parmi eux, on retrouve David Rockefeller, Henri Kissinger, Zbigniew Brzezinski. Ses membres sont les pontes - cooptés, comme les Bilderbergers - de la politique et de léconomie mondiales, venant dEurope, dAmérique du Nord et de lAsie Pacifique.
La Trilatérale fournit des « analyses » et des « études » dans de nombreux domaines aux institutions internationales et aux Etats, qui sen servent comme base pour les orientations politiques et économiques, et pour faire les textes de loi. Raymond Barre, Simone Veil, Laurent Fabius, Jacques Delors, Roland Dumas, Patrick Devedjian ou François Bayrou en ont été membres, mais aussi Bush Ier, Jimmy Carter, Bill Clinton, Dick Cheney...
Le but est de dépasser léchelle nationale et de constituer une gouvernance mondiale, que ce soit dans le domaine économique, politique ou militaire, pour lesquels il faut donner des « réponses globales ». Il faut instaurer un ordre politique et économique mondial, garantissant la pérennité du système. Cela passe par le placement de ses membres dans lesdites institutions et gouvernements, comme ce fut en grande partie le cas pour Jimmy Carter, qui avait Brzezinski pour principal conseiller.
Un autre de ces lobbies, le Council on Foreign Relations (conseil des relations étrangères) est aussi un think tank américain, qui sest donné pour mission de conseiller le gouvernement des Etats-Unis. Fondé en 1921, quand les Etats-Unis commencent à se piquer dintervenir systématiquement à létranger, par un proche conseiller du président Wilson, il regroupe plus de quatre mille membres - toujours cooptés, dont une partie sont aussi Bilderbergers ou dans la Trilatérale, et lun de ses piliers est encore une fois David Rockefeller. Le CFR aussi est financé par des dons « privés », comme la fondation Ford, satellite de la CIA, la fondation Rockefeller, la fondation Carnegie, et plus de 200 multinationales américaines. Le CFR lui aussi veut établir une espèce de gouvernement mondial, laissant la place pour un libéralisme débridé, lui aussi insère ses membres dans les gouvernements et les institutions internationales, auxquels il fournit ses « analyses » (Brzezinski en a dailleurs réalisé certaines).
En Europe, le Bilderberg est connecté avec lERT, lEuropean Round Table (fondée en 1983, copie de la Round Table américaine fondée en 1891), qui regroupe les patrons de 47 plus grosses entreprises européennes (BP, Saint Gobain, Unilever, Total, Nestlé, Danone...), a pour président Jérôme Monod (Lyonnaise des Eaux), et cherche à orienter la politique économique européenne dans le sens qui arrange les multinationales grâce à un lobbying puissant et acharné à la Commission et au Parlement européen, mais aussi au niveau des Etats, ceci, à linstar du CFR ou du Bilderberg, dans la plus grande discrétion. Jacques Delors, pourtant socialiste, a avoué avoir repris entièrement lun de leurs rapports pour son Livre Blanc : Croissance, Compétitivité, Emploi.[1] Lorsquil était président de la Commission européenne. LERT a notamment réussi à vider de sa substance la directive européenne REACH qui devait obliger les industriels à un contrôle strict des produits chimiques dangereux, en menaçant de licencier massivement et de délocaliser, mais aussi en fournissant à la Commission et au Parlement des « analyses » complètement fantaisistes allant dans le sens de leur communication. Une partie des membres de lERT sont aussi des Bilderberger, comme Etienne Davignon (déjà cité) ou Peter Shuterland (BP).
Nous avons donc là des tractations qui se font au sommet, pour lesquelles le citoyen nest jamais consulté, et les journalistes indépendants jamais invités, ne serait-ce que pour des conférences de presse. Tout se déroule dans le plus grand secret, jusquà ce que les lois soient mises en place, ou jusquà ce que les guerres éclatent. On doit à ces groupuscules un combat acharné pour maintenir un libéralisme sans faille sur toute la planète, quel quen soit le coût humain, pour le seul profit des multinationales. Mais il faut aussi avoir conscience du fait que ce sont toujours les Américains qui mènent la danse, afin de garantir cette suprématie du dollar, qui sans les efforts de ces multiples groupes de pression aurait bien du mal à conserver une valeur quelconque. Car si le dollar chute, et nest plus la monnaie déchange principale (notamment grâce au fait que le pétrole ne séchange quen dollars, ce sont les fameux « pétrodollars »), cest la puissance américaine qui va sécrouler. Lenjeu est donc de taille, et si la guerre en Irak a été décidée, cest dabord parce que Saddam comptait revendre son pétrole en euros. Toute la force de pression des lobbies tels que le Bilderberg, la Trilatérale ou le CFR a donc été concentrée sur linvasion de lIrak et le contrôle des puits de pétrole. Cétait dailleurs pratiquement le même processus qui a été à lorigine de la guerre contre lIran en 1980, et pour laquelle les Etats-Unis ont armé lIrak. Maintenant cest à nouveau lIran, deuxième producteur de pétrole après lArabie saoudite, qui est dans le collimateur, car elle aspire à battre en brèche lhégémonie américaine sur la région.
En dehors du fait que les discussions de ces groupes portent sur la manière de diriger uniformément la planète entière, au mépris de la notion même de démocratie, ce qui pose problème est la connivence entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, le premier facilitant linfluence du second au lieu de la freiner. Un Etat, et donc ses représentants, doivent en principe travailler pour le bien commun, pas pour des intérêts particuliers. Que nos élus se retrouvent à des réunions avec les faucons américains et les PDG des plus grosses multis de la planète, pour décider en secret du sort du monde reste une incohérence, ou une perversion du système. La question est : dans lintérêt de qui sopère un tel processus ?
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