• C'est vraiment compliqué !

     

    Les nanotechnologies

     
    Les nanotechnologie ca a l'air compliqué mais en fait... c'est vraiment compliqué ! Heureusement, une séparation entre fantasme et réalité est (encore) possible. Restons vigilants car les similitudes avec l'amiante ou les OGM n'est pas fortuite.

    Le terme nanotechnologie a été employé pour la première fois en 1974 par le Japonais Norio Taniguchi, pour désigner l'ensemble des techniques ayant pour but de concevoir, fabriquer et utiliser des structures à l'échelle du nanomètre (milliardième de mètre).

    A l'origine, ces techniques regroupent des processus de réorganisation de la matière atome par atome, ou molécule par molécule, selon deux orientations complémentaires : le top down et le bottom up.

    • La première fait référence à la voie dite descendante, qui consiste à travailler un matériau à l'échelle macroscopique pour tenter d'en tirer un objet miniature (par analogie : obtention d'un silex à partir d'une pierre, d'un cure-dent à partir d'un arbre, ou des éléments d'un microprocesseur à partir d'une plaquette de silicium);
    • la seconde correspond à la voie dite ascendante, ou de construction sur le modèle du Légo, et implique de pouvoir observer, isoler et manipuler les atomes et les molécules pour les organiser selon la structure souhaitée. C'est essentiellement cette deuxième voie qui est explorée par les recherches dans les nanosciences aujourd'hui.

      A ces définitions, quelque peu ésotériques pour le citoyen lambda, correspond une réalité empirique du point de vue de la recherche scientifique, des usages sociaux et de la mise sur le marché de nouveaux produits étiquetés "nano", mais également une idéologie fantasmatique proche du transhumanisme.

      Le saviez-vous ?

      Bain douche
      Un bain nécessite l'utilisation de 150 litres d'eau, contre 50 litres pour une douche de 5 minutes.


      La mise en regard de la réalité et du fantasme est indispensable pour permettre à chacun d'adopter une attitude responsable au quotidien, et de prendre position de manière éclairée dans la controverse.

      Car même si le développement des nanotechnologies s'accompagne de promesses d'âge d'or et de bonheur collectif ou individuel, il existe de nombreuses raisons de s'opposer à leur prolifération.

      • Tout d'abord à cause des fréquentes usurpations dans l'utilisation du préfixe nano (qu'il s'agisse des slogans publicitaires ou des intitulés des programmes de recherche scientifique),
      • ensuite parce que les risques sanitaires et environnementaux de l'emploi des nanoparticules à l'échelle industrielle sont mal connus (en particulier les risques liés à leur caractère invasif : les nanoparticules se faufilent partout, peuvent traverser la barrière cutanée, être inhalées, etc.),
      • enfin parce que les nanotechnologies servent à faire la guerre, tant du point de vue strictement militaire qu'économique.

      Brève histoire des nanotechnologies

      L'histoire des nanotechnologies est indissociable de celle des instruments ayant permis l'observation, la mesure et la manipulation à l'échelle atomique dans la deuxième moitié du XXe siècle.

      Quelques dates marquantes

      atelier nanotechnologies

      1959 : Le physicien Richard Feynman prononce son fameux discours sur les nanosciences à la société américaine de physique « There is plenty of room at the bottom ». Pour illustrer les enjeux des nanosciences, celui-ci avance la possibilité de faire tenir les 24 volumes de l'Encyclopedia Britannica sur une tête d'épingle.

      1970 : Invention du principe du Bottom up, véritable révolution dans l'histoire des techniques, qui consiste à concevoir et fabriquer des structures miniatures en partant du niveau atomique. On peut considérer que c'est ce renversement dans la façon de penser la production des objets, qui marque l'avènement réel des nanotechnologies. Apparition de la technique de vectorisation des médicaments, grâce à l'utilisation des liposomes.

      1974 : Première utilisation du terme « nanotechnologie » par le Japonais Norio Taniguchi de la Tokyo Science University.

      1981 : Invention du microscope à effet tunnel (ou à « champ proche »), qui permet non seulement d'observer les atomes sur des surfaces conductrices ou semi-conductrices, mais également de les déplacer un par un.

      1986 : Création d'un nouveau microscope à champ proche, qui étend les observations et manipulations aux matériaux non-conducteurs. Année de publication de l'ouvrage prophétique de Kim Eric Drexler « Engines of création ».

      1989 : Première manipulation de la matière à l'échelle atomique, à l'aide du microscope à effet tunnel. Donald Eigler parvient à déplacer 35 atomes de xénon pour dessiner les initiales d'IBM sur une surface de nickel.

      1998 : Découverte d'un rotor moléculaire, qui ouvre la voie (théorique) à la conception de moteurs moléculaires et, pourquoi pas, à celle de « nanorobots ». Lancement par Bill Clinton du programme National Nanotechnology Initiative, doté de 497 millions de dollars et qui fait des nanotechnologies une priorité nationale. Un quart de ce budget est consacré au développement de nanotechnologies militaires.

      1999 : Construction d'un nanomoteur de moins de 100 nm. Abandon progressif de la voie descendante.

      2001 : Construction d'une brouette moléculaire, la « nanobrouette », munie de deux roues, d'un châssis et de deux poignées, que l'on peut manipuler avec la pointe d'un microscope.

      2004 : Premier rapport gouvernemental britannique sur les nanosciences et les nanotechnologies, qui vise à lancer le débat public sur les nano, leurs opportunités et leurs incertitudes.

      2006 : Inauguration du pôle Minatec, le 2 juin à Grenoble. C'est le plus grand pôle européen consacré aux applications des micro et nanotechnologies.

      Les applications, entre fantasme et réalité

      Les applications des nanotechnologies aujourd'hui ressortissent de trois domaines majeurs : militaire, médical et commercial.

      Applications commerciales des nanotechnologies

      atelier nanotechnologies

      Raquettes de tennis, tests de grossesse, mémoires flash des lecteurs mp3 ou crèmes solaires, la plupart des produits de consommation « nano » sont basés essentiellement sur des effets de surface, sur la modification de la résistance des matériaux ou sur l'accroissement de la capacité de pénétration des principes actifs.

      La recherche sur les effets de surface conduit à la fabrication d'objets à texture rugueuse, imperméable, « easy to clean », « Lotus-effect », anti-trace de doigt, autonettoyante, anti-graffiti, anti-microbien, anti-brouillard, etc. En ce qui concerne les surfaces easy to clean, par exemple, l'objectif est de parvenir à modifier les propriétés du verre, du textile ou du ciment, de telle sorte que ceux-ci absorbent moins facilement les autres matières, tout en conservant leur propriété de transparence, de douceur ou de résistance.

      Pour la crème solaire « translucide », on utilise l'oxyde de zinc ou l'oxyde de titane, qui sont des absorbeurs d'ultra-violet connus depuis longtemps, mais qui ont pour fâcheuse tendance de laisser des traces blanches sur la peau après application. Leur « avantage » à l'échelle nano est qu'ils n'absorbent plus la lumière visible, mais seulement les "UV. Certaines marques de cosmétique proposent également des crèmes à base de nanoparticules, ou dont les principes sont nano-encapsulés, en prétendant que cela améliore leur pouvoir couvrant ou pénétrant (les particules nanoencapsulées dans des liposomes pénètrent plus facilement la barrière cutanée).

      Applications médicales des nanotechnologies

      Les trois principales applications des nanotechnologies dans le domaine médical sont la vectorisation des médicaments, les puces adn et l'utilisation des quantum dots en bio-imagerie.

      La vectorisation des médicaments est basée sur le principe d'adressage, qui consiste à encapsuler le médicament dans un nanovecteur (le plus souvent un liposome), de telle sorte que celui-ci ne délivre son principe actif qu'après avoir pénétré la cellule malade, et non pas durant son « chemin » via la circulation sanguine. L'objectif de l'adressage est donc une plus grande maîtrise de l'index thérapeutique, de manière à réduire la toxicité des médicaments, ainsi que les effets secondaires ou simplement à améliorer leur efficacité. Les puces à adn sont utilisées pour diagnostiquer des cancers. Les quantum dots servent de marqueurs en bioimagerie.
      C'est sans doute dans le domaine médical que les utopies sont les plus prolifiques, cependant on est encore loin, même très loin des tissus autorégénérants ouvrant les voies de l'immortalité, ou des nanorobots qu'il suffirait d'ingérer pour une aventure intérieure thérapeutique.

      Applications militaires des nanotechnologies

      soldats répliqués

      On sait de les nanotechnologies intéressent l'Armée (un quart du budget colossale consacré à la recherche dans les nanotechnologies aux Etats unis est consacré à la défense). Textiles camouflants, uniformes communicants ou exosquelettes pourraient servir à « améliorer » conséquemment l'équipement des fantassins déjà suréquipés. Sans parler de l'avantage stratégique que représenterait la possession de nanodrones de la taille d'une libellule, indécelables, ou de nanocapsules de produit toxique qu'aucune barrière, qu'aucun masque à gaz ne pourrait arrêter...

      On peut suivre Jürgen Altman qui classe les applications militaires des nanotechnologies selon trois catégories :
      1. miniaturisation, allégement, accroissement de la résistance des équipements.
      2. utilisation de nouveaux matériaux nanostructurés.
      3. modification du métabolisme humain par hybridation, implants, puces et prothèses.

      Concrètement, le passage à l'échelle nano devrait permettre de stocker et analyser toujours plus d'informations, d'équiper les missiles de nano-ordinateurs incorporés, d'implanter des capteurs sur les soldats pour suivre leur état de santé, de déclencher des alertes en cas d'agression ou de mort, ou des contre-mesures à visée curative (injection automatique d'antalgique, d'antiinflammatoire, etc.), ou encore de renforcer les blindages par adjonction de nanotubes de carbones.
      Si certaines de ces applications ressortissent encore aujourd'hui du (mauvais) rêve, d'autres tel que le nanodrone « Libellule » financé par la DGA sont bien réels...

      Les risques sanitaires et environnementaux

      atelier nanotechnologies

      Il n'existe à ce jour aucune étude concluante sur les dangers ou l'innocuité des nanotechnologies. En juin 2003, le gouvernement anglais a mandaté la Royal Society pour mener une étude indépendante, afin d'évaluer les impacts potentiels sur la santé et l'environnement des nanotechnologies. On peut toutefois pointer déjà quelques problèmes.

      Certains effets pervers des nanomatériaux sont déjà apparus : dans le domaine de l'automobile, par exemple, le remplacement de pièces métalliques entrant dans la confection des carrosseries, par des matériaux faits de composants polymériques était censé alléger, en fin de parcours, le poids des véhicules et induire donc une réduction de la pollution émise lors des déplacements. Seulement, le recyclage des polymères étant plus compliqué que celui du métal remplacé, le problème semble avoir été simplement déplacé.

      Par ailleurs, l'augmentation du ratio surface / volume propre aux nanoparticules accroît leur réactivité. Leur stockage demande donc des soins tout particuliers. En effet, les particules s'oxydent facilement, et cherchent sans cesse à s'agglomérer entre elles. Il faut donc les conserver dans un gaz inerte, ou en les enrobant d'une couche protectrice constituée de polymères ou de sels (couche qu'il faudra ensuite filtrer).

      Une étude approfondie a été menée sur les risques sanitaires liés à la diffusion des nanomatériaux par Vicki L. Colvin (directrice du Centre de Nanotechnologie Environnementale et Biologique de l'Université de Rice).
      Cette étude montre que, sous certaines conditions, les nanoparticules de moins de 50 nm ont tendance à infiltrer les cellules vivantes, sans qu'il soit possible de savoir comment celles-ci sont ensuite distribuées dans le corps. Les particules de tailles plus réduite encore, pourraient circuler de manière plus prolongée dans l'organisme, et même dans certains cas franchir la barrière hémato-méningée, ou sortir des vaisseaux sanguins pour se « promener » dans les fluides intercellulaires.

      Günter Oberdörster, professeur de toxicologie à l'université de Rochester, a étudié de son côté les effets des particules aériennes sur la santé. Sa conclusion est que les particules ultrafines (de moins de 100 nm) sont plus susceptibles d'entraîner des inflammations pulmonaires que les autres. Il existerait donc une corrélation entre le degré de toxicité et la dimension des particules inhalées.

      Il est utile de rappeler que nous sommes régulièrement exposés à des particules ultrafines, celles émises par les pots d'échappement des véhicules motorisés. Il est cependant très probable que notre niveau d'exposition aux particules ultrafines augmente conséquemment avec l'émergence et l'utilisation à grande échelle des nanotubes de carbone dans l'industrie. L'effet de ces nanotubes, lorsqu'ils sont inhalés, prendrait la forme de nodules ou « granulomas », produits par l'organisme pour tenter d'isoler les nanotubes de carbones inhalés, nodules qui peuvent déboucher à terme sur des lésions pulmonaires.

      D'autres études, notamment celles menées par D. Warheit, ayant débouché sur des conclusions contradictoires, il serait bon que soit mis en oeuvre un programme de recherche concernant l'impact de l'inhalation des nanotubes de carbone sur le système respiratoire.